Rouges et Blancs : le football rémois au féminin
Rouges et blancs : le football rémois au féminin
Dans le cadre de la Journée de la Femme et de Terre de jeux, une exposition sur le Stade de Reims féminin a été conçue à partir d’archives, d’objets et de tenues du club prêtés par Mme Ghislaine Souëf, ancienne capitaine dans les années 1970, afin de retracer la création, le parcours et les anecdotes de l’équipe et de ses joueuses.
Si vous n'avez pas pu la visiter, en voici quelques extraits.
Le sport féminin : un combat avant d'être une compétition
En cette année olympique, nous allons suivre des athlètes féminines dans différentes disciplines, et soutenir nos sportives nationales. Cette pensée nous parait normale aujourd’hui, mais il n’en a pas toujours été ainsi.
En 1935, interrogé sur la place des femmes dans les compétitions sportives, Pierre de Coubertin répondait :
« Là aussi les femmes pourraient participer si on le juge nécessaire. Je n’approuve pas personnellement la participation des femmes à des concours publics, ce qui ne signifie nullement qu’elles doivent s’abstenir de pratiquer à un grand nombre de sports, mais sans se donner en spectacle. Aux Jeux Olympiques leur rôle devrait être surtout comme aux anciens tournois de couronner les vainqueurs. […] On doit conclure que le véritable héros olympique est à mes yeux l’adulte mâle individuel ».
Les premiers JO en 1896 se déroulent sans elles.
En 1900, les JO de Paris acceptent 22 sportives sur 997 participants, mais leur participation se limite aux sports dits féminins, c’est-à-dire aux loisirs aristocratiques (tennis, voile, croquet, équitation, patinage artistique), afin de protéger leur féminité en leur évitant tout effort physique et respecter la décence.
Alice Milliat, entame le combat pour mettre fin à cette injustice. Sportive émérite en aviron, elle est présidente du club omnisport féminin « Femina sport » depuis 1912 et devient trésorière de la Fédération française du sport féminin en 1917. A la fin de la Guerre, elle réclame l’admission des femmes aux JO revendiquant le rôle des femmes pendant le conflit, preuve qu’elles ne sont pas si fragiles. En 1919, le Comité international olympique (CIO) refuse la féminisation des épreuves d’athlétisme.
Photographies provenant du site de la Fondation Alice Milliat : https://www.fondationalicemilliat.com/alice-milliat
Face à ce refus, elle fonde en 1921 la Fédération sportive féminine internationale (FSFI) et organise en 1922, les JO féminins de Héra, fondées par 16 femmes au VIe siècle avant J.-C. ; 77 sportives y participent et représentent la Grande-Bretagne, la Suisse, l’Italie, la Norvège et la France.
Leur participation étant considéré comme un « spectacle affligeant », le CIO interdit l’athlétisme aux femmes jusqu’en 1960. La FSFI organise de nouveaux jeux féminins en 1930 à Prague. Devant un nouveau refus, les derniers jeux féminins ont lieu à Londres en 1934. La féminisation des JO va se poursuivre jusque dans les années 1970 et 1980 et les directives des Nations-Unies affirme que le sport est favorable à la santé et à la disparition des stéréotypes sexistes et encourage la participation des femmes aux JO.
Depuis 1991, toute nouvelle discipline aux JO doit obligatoirement comporter des épreuves féminines.
En 2007, la Charte olympique affirme : « Le rôle du CIO est d’encourager et soutenir la promotion des femmes dans le sport, à tous les niveaux et dans toutes les structures, dans le but de mettre en œuvre le principe d’égalité entre hommes et femmes. » (Charte olympique 2015, Règle 2, paragraphe 7).
Le CIO a inscrit la parité à l’agenda olympique 2020. La recommandation 11 de celui-ci préconise de « favoriser l’égalité des sexes :
- « Le CIO œuvrera avec les fédérations internationales afin de parvenir à une participation féminine de 50 % aux Jeux olympiques et pour stimuler la participation des femmes et leur présence dans le sport en créant davantage d’occasions de participation aux Jeux olympiques »
- « Le CIO encouragera l’inclusion d’épreuves par équipes mixtes »
Pionnières rémoises du football :
Les premières équipes féminines de football ont vu le jour dans les années 1920 dans différents pays.
Les clubs sportifs féminins rémois s’organisent dès 1920 afin de pouvoir organiser des rencontres. C’est ainsi que la première rencontre de football féminin a lieu le dimanche 26 décembre 1920 au parc Pommery entre les Sportives de Reims et les Pupilles de la Société Sportive du Parc Pommery.
La société sportive féminine est officiellement déclarée à la sous-préfecture de Reims le 28 janvier 1921, sous le nom « Les sportives de Reims ». L’été, elles pratiquent l’athlétisme et la natation et l’hiver, le football et le basket-ball.
Le premier vrai match de l’équipe des Sportives de Reims a lieu le 6 mars 1921 toujours au Parc Pommery. Elles font un match nul contre le Fémina Sport de Paris.
L’équipe est composée de Solange Winand (14 ans, gardienne de but), Mlles Ginquet et Marcelle Lacombe (arrières), Mlles Suzanne Denis, Charlotte Winand et R. Curaté (demies) et Mlles S. Gérault, N. Eliasse, Antoinette Julien, M. Gadon et M. Balle (avants). Les remplaçantes sont Mlles Masson, Lefèvre et Gueusquin.
Après ce match elles se retrouvent à jouer la finale du championnat de France dans la capitale contre les championnes les « En-Avant de Paris », le 17 avril au stade Elisabeth. C’est la première année que le champion des clubs parisien rencontre un club de province.
L’équipe participe à tous les championnats jusque 1924. L’année 1923 a été celle de leur apogée mais comme de nombreuses équipes féminines le club rencontre des problèmes financiers, une absence d’infrastructure, et le manque de concurrence régional. La dernière saison du club est celle 1924-1925.
Elles ont été des pionnières au niveau régional mais aussi au niveau national.
Les débuts du club : 1968-1969
L’équipe du Football Club Féminin de Reims a été créée par quelques jeunes rémoises après une rencontre victorieuse contre le club alsacien F.C. Schwindratzheim organisée le 25 août 1968 pour la 3ème édition de la kermesse de L’Union-Sports par Pierre Geoffroy, journaliste de L’Union et Richard Gaud, ancien milieu du FC Metz.
Pour financer leurs projets les footballeuses vendent des cartes postales de l’équipe lors des matchs.
Entrainement avec Lucien Muller, ancien joueur du Stade de Reims et du Real Madrid, surnommé « Le Petit Kopa ».
Un an plus tard, leur exemple est suivi dans la Marne et les départements voisins et une compétition régionale est organisée.
Puis, un tournoi international a même eu lieu à Reims avec une équipe Tchèque et une équipe anglaise les 14 et 15 juin. Les Rémoises ont perdu la finale face aux Tchèques 2 à 1 mais ce fut d’après les journaux « une finale magnifique qui souleva le public ».
En contrepartie le Football Club Féminin de Reims effectua une tournée de 15 jours en Tchécoslovaquie en juillet, et une autre en Angleterre en septembre.
Elles participent ensuite à la 1ère coupe d’Europe de football féminin qui est organisée à Turin les 1er et 2 novembre. Elles sont demi-finalistes. L’Italie a remporté la coupe.
La F.F.F. a ensuite donné un accord de principe à la création de sections féminines au sein de ses clubs. Ainsi le 10 novembre le Football Club Féminin de Reims devient la section féminine du stade de Reims.
Le 29 novembre elles participent aux rencontres internationales à Calais en jouant contre l’équipe de Coventry, qui est championne de la Ligue du Midland, elles gagnent 3 à 0.
Fin de l’année 1968-1969, bilan : 57 matchs : 220 buts marqués/70 encaissés
Allez les championnes
En 1970 elles remportent le 1er championnat officiellement reconnu par la F.F.F. : le championnat du Nord-Est.
Pendant la saison 1974-1975 elles sont les 1ères championnes de France. Le lancement de la demi-finale fut parrainé par Jane Birkin et avait été retransmis sur TF1. Les Rémoises remportent ce match puis la finale en battant Orléans 5-0 au stade Delaune.
Elles conservent leur titre les trois saisons suivantes puis l’obtiennent à nouveau en 1980 et 1982. Les autres années elles furent vice-championnes (1978-1979-1981).
En octobre 1978 lors de la compétition mondiale non officielle organisée à Taïwan elles remportent le tournoi ex-aequo avec les Finlandaises. Elles sont donc championnes du Monde des clubs féminins pour leur dixième anniversaire.
Vive les championnes !
A la conquête du monde
En 1969, après deux tournées en Tchécoslovaquie et en Angleterre, le Football Club Féminin de Reims représente la France lors de la 1ère coupe d’Europe de football féminin organisé à Turin : le club finit demi-finaliste.
Pendant l’été 1970 les footballeuses rémoises vont jouer aux Etats-Unis et au Canada.
En 1971 plusieurs joueuses de l’équipe vont participer au premier championnat du monde féminin de football à Mexico.
En 1972, elles partent toutes en Indonésie pendant trois semaines avec des matchs à Djakarta, Surabaya, Bandoum, Medan puis, en 1973, c’est en Espagne et en Irlande.
En 1974 elles s’envolent vers la Martinique et la Guadeloupe où elles jouent six matchs qu’elles remportent puis elles affrontent la "Terreur des Caraïbes" à Haïti. Elles s’imposent dans un stade surchauffé en battant les Haïtiennes 3 à 1.
En octobre de la même année, elles remportent le championnat du monde à Taïwan.
Jamais sans Gigi
Ghislaine Royer, plus connu sous le nom de Gigi Souëf, est née à Reims. Enfant, elle jouait déjà au foot avec ses frères sur le terrain à côté de chez ses parents, dans le quartier de la Cerisaie.
En 1968, à l’âge de 15 ans, elle répond à une annonce publiée par Pierre Geoffroy dans L'Union
Pour jouer un match d’exhibition. Après le match, les filles ont voulu continuer et M. Geoffroy finira par créer l’équipe. Gigi restera dans l’équipe de football féminin de Reims où elle sera goal, milieu et capitaine de l’équipe, pendant près de 10 ans.
Elle a joué au stade de Reims féminin mais aussi à la Lazio de Rome pendant quelques vacances. Elle est sélectionnée pour jouer en équipe de France dès la création officielle de celle-ci en 1971 et comptera 8 sélections jusqu’en 1976.
Grâce à l'équipe et aux matchs elle a beaucoup voyagé : Etats-Unis, Mexique, Haïti, Taiwan ou encore Tchécoslovaquie.
En 1979, elle quitte ses crampons mais pas l’équipe dont elle est toujours proche et qu’elle soutient en famille lors des matchs.
Plusieurs fois honorée par la Ville de Reims, elle le sera également lors de visites officielles, notamment par Mme Valéry Giscard d’Estaing le 6 octobre 1977.
Depuis quelques années elle partage son expérience en répondant aux demandes de journalistes, de clubs ou d'écoles afin de partager ses souvenirs et ses anecdotes.
Aujourd’hui, Gigi a eu la générosité de prêter ses archives, ses médailles et trophées et une partie de ses tenues sportives aux Archives municipales et communautaires de Reims pour une exposition retraçant les 10 premières années du club.
Gigi recevra le 12 décembre 2013 la médaille de la ville de Reims et le 29 janvier 2014 le trophée des Sacres du sport.
L'équipe d'aujourd'hui
Suite à un ultime titre, en 1982, le déclin s’annonce à partir de 1985 jusqu’au dépôt de bilan en 1992.
En 2014, la section féminine du stade de Reims est relancée.
« Le Stade de Reims féminin a connu un glorieux passé que l’on se doit de respecter. A nous de renouer avec, en ramenant cette équipe au plus haut niveau. C’est tout le sens de notre devise : pionnières et ambitieuses », Amandine Miquel, entraineur. (Citation extraite de l’exposition « Les Rouges et Blanches », Ville de Reims, 2019).
Photographie extraite de l’exposition « Les Rouges et Blanches », Ville de Reims, 2019.
En 2018-2019, l’équipe décroche le titre de Championnes de France de D2F, l’équipe 2023-2024, toujours bien classée, occupe le haut du classement.
Vous pouvez les retrouver et suivre leurs matchs sur le site officiel du Stade de Reims (https://www.stade-de-reims.com).
50 ans des Rouges et Blanches
Exposition conçue par la Ville de Reims en 2019 à l'occasion de la Coupe du monde de football féminin.
Dernière mise à jour : 31 mai 2024