Ceux qui partent, ceux qui restent...
Reims dans la guerre en 1914.
Le désastre du 19 septembre 1914 ne diminue en rien l’intensité des bombardements allemands. Dès le 20 septembre les obus tombent sur les faubourgs ouvriers de Laon et de Cérès. Certains bombardements sont particulièrement violents. De nombreuses victimes sont à déplorer. En septembre 1914, on compte 543 morts civils et militaires, et 402 en octobre. Les jours d’accalmie, on visite les ruines et on fait quelques courses. Beaucoup de Rémois en profitent aussi pour s’éloigner quelques heures vers les secteurs de la Haubette et de la route d’Epernay, plus éloignés des batteries allemandes.
Beaucoup de Rémois continuent à fuir leur ville sans que l’on ait une idée très précise de leur nombre. Probablement plus de la moitié des habitants a fui lors du premier exode à la fin du mois d’août 1914, avant l’arrivée des Allemands. Début septembre, cet exode massif est arrêté car le génie français a fait sauter les voies et le CBR (chemin de fer de la banlieue de Reims) n’assure plus son service. Puis c’est l’occupation allemande. Avec le départ des Allemands, suivi de la reprise des bombardements, l’exode reprend. Il représente une excellente affaire pour les cochers et les conducteurs d’automobiles qui demandent de 100 à 200 francs (soit l’équivalent de 30 à 60 journées de travail pour un ouvrier du textile) pour aller de Reims à Epernay. Dans ces conditions, beaucoup restent à Reims. Mais le 6 octobre, le CBR est remis en route jusqu’à Dormans et Fismes, permettant ainsi de gagner Epernay ou Paris à des tarifs beaucoup plus faibles. En décembre, la mairie délivre des billets de passage gratuits pour les nécessiteux. Le service hospitalier des hospices civils évacue 4539 vieillards, enfants, malades et blessés civils, militaires (lors du repliement des troupes françaises), aliénés. Du coup, l’exode s’accélère et seule une minorité de Rémois demeurent dans la ville. Le premier recensement officiel de population, le 18 février 1915, donnera le chiffre de 35 524 habitants.
Pour les habitants qui restent à Reims la vie est difficile : ne pas sortir pendant les bombardements, s’abriter dans les caves ou dans les rez-de-chaussée plutôt que dans les étages ; privilégier les pièces abritées par au moins deux murs contre la direction probable des coups de l’ennemi ; maintenir les portes intérieures ouvertes et enlever les matières inflammables ; si on se trouve dans la rue au moment du bombardement, se coucher à terre ou entrer dans la maison la plus proche dès que l’on entend le sifflement des obus.
Mais depuis que le front s’est stabilisé les Rémois prennent aussi conscience qu’il leur faut vivre avec les militaires français. L’autorité militaire restreint drastiquement la possibilité de se déplacer. A partir de la fin du mois de septembre les militaires fixent une zone de circulation correspondant au quartier de l’hôtel de ville, à une partie de Saint-Remi délimitée par les rues du Barbâtre et du Ruisselet et à une zone allant de l’avenue de Laon jusqu’au canal. Au-delà, c’est la zone dangereuse où les interdictions de circuler sont fréquentes. A partir du 5 novembre, elle interdit aussi le passage des ponts du canal de 7 heures du soir à 6 heures du matin, mettant ainsi la population d’une partie de la ville dans l’impossibilité de s’abriter en cas de bombardement de nuit. Ces restrictions amènent la municipalité à protester auprès de l’autorité militaire. Une partie des responsables militaires fait pression sur l’autorité civile afin d’obtenir le plus d’évacuations possible. L’attitude du maire Jean-Baptiste Langlet est à l’opposé. Il est hostile à une évacuation générale qui, à ses yeux, serait une opération difficile et compromettrait toute renaissance de Reims. Il l’affirme dès la séance du conseil municipal du 23 octobre 1914 : « Nul ne nous fera l’injure de croire que nous y avons songé. C’est d’abord une opération difficile. Ensuite, nous ne devons pas abandonner notre population, surtout la population indigente. Notre devoir est de l’aider et de la secourir ». Ainsi, à plusieurs reprises, la municipalité s’empresse de démentir des bruits qui courent sur une évacuation prochaine de la ville.
Dernière mise à jour : 20 octobre 2022